Un jour que je trainassais sur un « marché bio et de producteurs », je m’approchais d’un stand sans dénomination et demandais à l’agriculteur s’il était bio. Sourire compréhensif de l’Homme de la Terre. Voilà une petite dame de la ville se disait-il, la tête farcie de fariboles bio.
« Non madame, me répondit-il, je pratique l’agriculture raisonnée. »

L’agriculture raisonnée, quezaco ? Le nom est rassurant en tout cas. Quelque chose de raisonnable, un bon compromis entre agriculture industrielle et bio. Mais qu’en est-il vraiment?

L’agriculture raisonnée est définie par le décret nº2002-631 du 25 avril 2002 et promue par le réseau FARRE ce qui veut dire: Forum des Agriculteurs Responsables et Respectueux de l’environnement. Rien de moins.
Et ce réseau n’est pas un rassemblement de chevelus, perdus au fin fond du Larzac. Pas du tout. En sont membres des gens comme Monsanto, BASF, l’Union des Industries de la Fertilisation et la FNSEA (1).

Concrètement, l’Agriculteur Raisonné s’engage à suivre des règles comme :
n°1 : Etre abonné à au moins un journal d’information technique agricole ou à un service de conseil technique
n°2 : avoir un plan de son exploitation, avec parcelles numérotées
n°5 : noter ce qu’il épand sur chaque parcelle
(Tout est du même jus, vous avez la liste complète sur le site de la FARRE (2))

En bref, l’agriculture raisonnée, c’est l’agriculture industrielle gérée de façon moderne pour optimiser les coûts, la traçabilité, etc. Ceci dit, pour le consommateur, ce n’est pas inintéressant. Qui dit optimisation des coûts dit ne pas épandre plus de pesticides que nécessaire et c’est déjà ça.

L’agriculture raisonnée a-t-elle un logo pour nous permettre de l’identifier ? Et bien non! Pour débusquer un produit de l’agriculture raisonnée, il faut lire les étiquettes à la recherche de la mention « issu d’une exploitation qualifiée au titre de l’agriculture raisonnée ».

Si vous voulez mon avis, l’agriculture raisonnée semble être une vaste opération de comm destinée non pas aux consommateurs, mais aux agriculteurs. Parce que les agriculteurs, ça ne les fait pas rigoler de se faire traiter de pollueurs et d’empoisonneurs à longueur d’année . Ils en ont marre, alors certains craquent et passent au bio. Vous imaginez bien que Monsanto et Cie n’allaient pas rester les bras croisés.
L’agriculture raisonnée n’est pas une étape de transition vers le bio, comme on peut le lire par-ci par-là. C’est au contraire la riposte des fabricants de pesticides pour que les agriculteurs conventionnels restent en agriculture conventionnelle.

Sources
(1) http://www.farre.org/index.php?id=50
(2) http://www.farre.org/fileadmin/medias/pdf/referentielAR2007.pdf