Faut-il acheter son poisson sous label Marine Stewardship Council?

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Manger du poisson pêché de façon « durable » est un véritable casse-tête, tant les facteurs à prendre en compte sont nombreux. Marine Stewardship Council (MSC) propose de faire le travail à notre place. Mais ce label est-il fiable ? Et les produits labellisés sont-ils abordables ?

MSC est-il fiable ?
MSC

Marine Stewardship Council est une ONG indépendante, financée par des dons et une redevance sur l’utilisation de son label.

Pour être certifiée, une pêcherie doit:

– pêcher dans une zone où le stock de poisson ciblé n’est pas surexploité

– avec des méthodes respectueuses de l’écosystème,

– documenter ses captures (directes et accessoires) de façon à mesurer son impact sur le stock

Si formellement on ne peut rien reprocher à MSC, dans la pratique, les défenseurs de l’environnement sont très critiques vis à vis de ce label. Charlène Jouanneau de l’association Bloom regrette que le processus de certification soit tellement cher que seules les pêcheries industrielles puissent se l’offrir. Or la pêche durable est plutôt artisanale.

Par ailleurs, ce processus de certification est mené par un organisme (Bureau Veritas par exemple) payé par la pêcherie, qui a tout intérêt à ce que son client obtienne sa certification. Quand une pêcherie opère sur un stock de poissons à la limite de la surexploitation, l’organisme de certification choisit un chiffre par ci, un autre par là pour brosser un tableau favorable de son client, parfois avec une mauvaise foi dénoncée par les ONG (1).

Les querelles fratricides sont souvent violentes et chaque ONG pense que sa façon de protéger l’environnement est meilleure que celle des autres. A ces accusations, Stéphanie Poey, de MSC France, me répond, graphique à l’appui:

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La santé d’un stock de poisson se mesure par rapport à deux valeurs dites « cible » (ou Biomasse permettant un Rendement Maximum Durable) et « limite » (ou Biomasse Limite). En dessus de la valeur cible, la pression due à la pêche est égale aux capacités maximales du stock à se reproduire: il est stable mais il n’a plus de marge de manoeuvre en cas de coup dur. Au delà de la valeur limite, il y a surpêche et la taille du stock décroit. Une étude MSC, commandité en réponse aux accusations des autres ONG (2) conclut que « 74% des pêcheries certifiées opèrent sur des stocks en dessous de la valeur cible, contre 44% pour les pêcheries non certifiées ».  26% sont donc dans la zone où le stock est stressé cependant aucune n’est au delà de la valeur limite, en situation de surpêche, me répète avec force Stéphanie Poey.

Charlène Jouanneau de l’association Bloom reconnaît que cette bataille de chiffres n’est possible que parce que MSC est transparente sur ses critères et les résultats des pêcheries à leur processus de certification. Ce n’est pas le cas des labels auto attribués que sont « Respect des ressources durables » de Findus ou « qualité responsable » de Saupiquet.

Il ne m’appartient pas de trancher sur les différents qui opposent toutes ces ONG. Après des semaines de va-et-vient entre elles, j’en conclus que le label MSC n’est pas parfait mais qu’il est néanmoins suffisamment fiable pour qu’on le privilégie quand on le trouve.

Les produits certifiés MSC sont-ils abordables ?

MSC se finance en facturant l’utilisation de son logo 0,5% du prix de vente HT du produit. Si le poisson passe par plusieurs intermédiaires, ce montant n’est prélevé qu’une fois, auprès de l’entreprise qui a apposé le logo. Le surcout lié à la licence est donc minime.

Par ailleurs, les pêcheries certifiées n’ont pas forcément des méthodes de pêche plus couteuses. Dans le cas de la sardine et du colin, les techniques de pêche habituelles sont la senne tournante et le chalut pélagiques, des techniques respectueuses de l’environnement.

Un produits labellisé MSC ne devrait donc pas être plus cher qu’un autre. Est-ce le cas ?

L’offre étant très large, je me suis cantonnées à deux produits: le colin surgelé et la sardine en conserve.

Leclerc et Carrefour ont choisi de vendre leurs croquettes de colin marque distributeur sous label MSC: le produit MSC est donc aussi le moins cher ! Chez Leclerc Iglo (avec label) est plus cher que Findus (sans label), respectivement 6,04 et 5,37 €/kg pour des bâtonnets vendus par 20, mais c’est l’inverse chez Carrefour, où Iglo et Findus sont respectivement à 5,56 et 7,37 €/kg. Le surcout ne vient donc pas du label.

Pour les sardines à l’huile par contre, les références arborant le label bleu sont rares et chères. Il n’y en avait aucune chez Leclerc le jour où j’ai fait mon relevé de prix. Chez U, les sardines à l’huile d’olive marque distributeur sont à 8,52 €/kg contre 19,57 €/kg pour les U Saveur avec label MSC. Chez Carrefour, la seule référence labellisée était de marque Connétable, à 16,96 €/kg. La palme du surcout revient à mon magasin bio (pourtant très abordable par ailleurs) où la boite de sardine MSC est un véritable produit de luxe : 29,33 €/kg ! Tout ça pour de l’huile d’olive bio ! Pourquoi une telle différence de prix?

Parce que ces marques ont choisi de regrouper sous une même référence plusieurs caractéristiques haut de gamme. La sardine U Saveur est certes MSC, mais également « conditionnée à la main selon un savoir faire ancestral ». La sardine Connétable MSC baigne dans une huile d’olive bio. Et dans le cas de mon magasin bio, le conserveur est une société artisanale, donc pas d’économie d’échelle.

Conclusion

Si le label MSC n’est pas parfait, il est néanmoins le meilleur guide dont nous disposons actuellement. Par ailleurs, son surcout pour le consommateur est négligeable.

A mes yeux, le principal problème de ce label est qu’on a du mal à le trouver surtout au rayon frais!

Enfin rappelez vous que, comme la viande rouge, le poisson est un produit « plaisir » dont il ne faut pas abuser (voir mon article sur les allégations santé liées au poisson)

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Notes

(1) https://jenniferjacquet.files.wordpress.com/2010/05/christianetal_biolcons_2013.pdf

(2) http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0043765

1 réflexion sur « Faut-il acheter son poisson sous label Marine Stewardship Council? »

  1. L’équipe du MSC estime nécessaire de corriger plusieurs points de cet article et profite de ce commentaire pour apporter des éclaircissements. Nous réagissons car la nature tierce-partie et le caractère participatif de notre processus de certification font justement partie des forces du MSC. Toute évaluation de pêcherie est menée par un organisme de certification indépendant. Ce même organisme doit impérativement être accrédité par l’ASI (Accredition Services international) pour pouvoir mener une évaluation MSC. L’ASI s’assure de l’indépendance de l’organisme de certification, de sa maîtrise du Référentiel MSC et de la conformité de ses audits, et peut, à tout moment, si un manquement est constaté, suspendre un organisme de certification et lui retirer son accréditation.

    Pour garantir son objectivité, une évaluation de pêcherie est participative. Elle implique des révisions des rapports par des pairs indépendants, un engagement régulier des parties prenantes et une procédure d’objection. Toute partie prenante, qu’il s’agisse d’une organisation de producteurs, de scientifiques, d’ONG, de pêcheries concurrentes, d’une entreprise peut donc participer à l’évaluation. C’est d’ailleurs le cas de Bloom qui a déjà été partie prenante d’évaluations de pêcheries.

    Il est également important de préciser qu’une entrée en évaluation complète ne garantit pas l’obtention de la certification. Les pêcheries qui ont peu de chances de répondre au Référentiel MSC se retirent souvent du processus d’évaluation. Les pêcheries qui poursuivent en évaluation complète, mais qui ne parviennent pas à répondre au Référentiel MSC n’obtiennent pas la certification. À ce jour, 59 pêcheries se sont retirées du programme MSC et six ont terminé l’évaluation, sans obtenir la certification. Il est important de noter que, afin de déterminer les problèmes potentiels de performance d’une pêcherie, beaucoup mènent une pré-évaluation confidentielle avant d’entrer évaluation complète. A cette étape de pré-évaluation, on estime qu’une pêcherie sur deux décide de ne pas se lancer en évaluation complète.

    Enfin, l’évaluation est ouverte à tout type de pêcherie quelque soit l’espèce, sa taille, son engin de pêche et sa situation géographique (exceptée les pêcheries au poison, à l’explosif, ciblant des mammifères marins ou pratiquant le shark finning). Elle peut obtenir la certification MSC si et seulement si elle répond à l’ensemble des critères de durabilité du MSC. En Europe, on estime que 35 à 40% dans pêcheries engagées dans notre programme sont des pêcheries à petite échelle.

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